Histoire du Bouddhisme en Chine

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Le bouddhisme constitue l’un des trois piliers de la pensée chinoise avec le confucianisme et le taoïsme. Il fait son apparition en Chine au milieu du IIème siècle. La tradition rapporte que Han Mudi, deuxième empereur des Han orientaux (58-75) aurait été un des premiers adorateurs du Bouddha en Chine. 

L’implantation du bouddhisme en Chine

La légende de l’introduction du bouddhisme en Chine

D’après la légende, l’Empereur Han Mingdi aurait vu dans un rêve un cheval blanc portant sur le dos un bagage composé de soutras et d’une statue du bouddha. Le rêve de l’Empereur serait ensuite devenu réalité. Une caravane venue de l’Occident se présente à l’Empereur, figurant un magnifique cheval blanc apportant de nombreuses offrandes dont une statue du «Prince Éveillé». La surprise de l’Empereur est grande car les chinois à cette époque n’ont pas l’habitude de sculpter leur Dieu.

Par la suite, l’Empereur des Han ordonne la construction du premier temple bouddhiste vers la fin du premier siècle à Luoyang. Le temple porte le nom de «Temple du Cheval Blanc». Bien qu’il ait subi de nombreuses démolitions et reconstructions, il existe toujours et est ouvert au public. 

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Temple du Cheval Blanc à Luoyang

Arrivé du bouddhisme en Chine

Pèlerinage du célèbre moine bouddhiste Xuanzong

Le Bouddhisme est introduit en Chine par les missionnaires et marchands d’Asie centrale à la suite de l’ouverture de la route de la soie ( 138 – 128 av J-C). Loin d’être le résultat d’une conquête politique, la diffusion du bouddhisme s’est faite de façon progressive, spontanée et pacifique. Toutefois la discrétion de la diffusion du bouddhisme en Chine ne doit pas diminuer la dimension religieuse tout à fait nouvelle pour la Chine. En effet, au delà d’une conception philosophique et cosmologique issue de l’Inde étrangère aux chinois, les missionnaires bouddhistes apportent l’institution d’un clergé ayant fait voeu de chasteté à titre individuel ainsi que des modes de dévotion nouveaux, centrés sur des statues sacrées. Les religions chinoises n’utilisaient pas jusqu’alors les statues dans les pratiques mais plutôt des représentations abstraites, des vases en bronze ou des intercesseurs humains aux divinités.

Par la suite le bouddhisme crée  des ramifications à l’intérieur du pays de façon progressive et de nombreuses communautés bouddhistes s’implantent. 

L’accueil du bouddhisme chinois a été positif mais improbable aux vu des divergences culturelles. Les taoïstes présentaient cette religion comme une forme exotique de leur propre foi. Les premiers moines bouddhistes ont profité de ce rapprochement avec le taoïsme pour utiliser du vocabulaire taoïste dans leurs premiers textes afin de faciliter leur intégration. 

Un contexte d’implantation propice

L’implantation du bouddhisme en Chine était en réalité peu probable au vu des fondamentaux de la foi et de la culture chinoise. L’apparition du bouddhisme en Chine s’est faite lors de la chute de l’empire des Han. La Chine était alors en train de plonger dans une longue période de conflits intérieurs et d’agressions militaires : la période des trois Royaumes (220-265), des six dynasties (265-316), des Seize Royaumes (265-316), puis des Neuf Dynasties du Nord et du Sud (420-589). 

Lors de ces siècles, les conflits sont permanents en terre de Chine. En cette période de troubles, les prêcheurs bouddhistes expliquent que la réalité du monde, marquée par le chaos et la souffrance n’est qu’une illusion. Les communautés de croyants se regroupent dans des couvents autour d’un maître et de son école. Les temples bouddhistes constituent alors des remparts à la violence du monde. 

L’âge d’or du bouddhisme en Chine

Le bouddhisme en Chine connaît une période d’apogée sous la Dynastie des Tang. C’est période faste pour le bouddhisme est initiée par le moine bouddhiste Xuanzang (602-664). Ce dernier rapporte d’Inde 657 sutras bouddhistes afin d’étudier et transmettre la parole du Bouddha aux chinois. L’Empereur Taizong fait alors construire une pagode afin de mettre à l’abri ces précieux documents et faciliter à Xuanzong l’étude des sutras. Il ouvre ainsi une période de grande influence du Bouddhisme en Chine.

Les critiques et persécutions du bouddhisme en Chine

Le bouddhisme connaît une grande vague de persécution en 845. l’Empereur Wuzong, taoïste intransigeant, soutenu par des bureaucrates, lance une la «Grande Persécution» contre le bouddhisme, perçu comme un danger pour l’équilibre interne du pays. Une autre raison est la convoitise des grandes richesses détenues dans les temples bouddhistes. 

Wuzong interdit la pratique du bouddhisme et ordonne la destruction de 4600 temples, contraignant des milliers de moines à retourner à la vie civile. 

Deux ans après le lancement de cette persécution, Wuzong meurt, laissant la place à un nouvel Empereur qui lève la plupart des interdits. Le bouddhisme reprend vite des forces et continue alors son expansion à l’écart du pouvoir impérial. 

Les apports du Bouddhisme en Chine

Des idées nouvelles

Une idée nouvelle apportée par le Bouddhisme est la compassion. Cette idée n’avait jusqu’alors pas été formulée en Chine par les éminents penseurs tels que Laozi et Confucius. La compassion est le sentiment qui nous amène à ressentir et percevoir la souffrance d’autrui. En chinois, le caractère évoquant cette idée signifie davantage la solution pour remédier à la souffrance d’autrui plutôt que le fait de ressentir sa souffrance. Le caractère chinois qui a été choisis pour exprimer la compassion est : bei(chinois simplifié: 悲). Il est composé en bas du signe du coeur (心 xin) et du signe désignant la négation  (非 fei) afin d’exprimer une forme de désarmement du coeur. 

Dans un même registre le bouddhisme fait naître en Chine l’idée de la justice sociale et de l’au-delà. Le bouddhisme met l’accent sur la responsabilité individuelle. Chacun dans sa vie est confronté à la responsabilité de ses actes ayant un impact sur les vies futures. Le bouddhisme remplace le modèle confucéen de l’harmonie sociale à celui de la paix intérieure. Le karma est un principe moral attirant l’intérêt des gens du peuple soumis jusqu’alors à l’arbitraire du pouvoir impérial. Selon le principe moral du karma, les classes populaires sont à égalité avec l’aristocratie. L’idée de la réincarnation plaît aux personnes défavorisées, satisfaites de pouvoir disposer de plus d’une vie pour assouvir leurs appétits. 

Le bouddhisme apporte de la considération pour tous les êtres vivants sur cette terre ce qui est nouveau pour la Chine de l’époque. Jusqu’à cette époque, la vie humaine et animale ne faisait l’objet que de peu de considérations. Selon une anecdote célèbre, Confucius venant d’apprendre l’incendie de son écurie ne s’inquiète nullement du sort de ses chevaux. 

Les missionnaires bouddhistes considèrent que la vie animale aussi bien que la vie humaine doit être respectée. Le bouddhisme, en donnant de la considération à tous les êtres vivants sur terre, pousse les chinois à ne plus tuer ou faire preuve de cruauté envers les animaux. Cette prescription alimentaire bouddhiste fait naître un grand raffinement de la gastronomie végétarienne dans les monastères et les villes chinoises.

Le Thé

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Plantation de Thé en Chine

Il est difficile d’imaginer la Chine sans le thé. Or la Chine a passé deux millénaires sans avoir connaissance de son existence. Bien que les feuilles de thé pouvaient servir à d’autres usages, les chinois ne buvaient pas de thé au moins jusqu’à la fin du I ier siècle de notre ère. Une légende attribue l’apparition du thé en Chine à l’oeuvre du Bodhidharma, fils d’un roi d’Inde du Sud, s’étant engagé dans la voie bouddhiste et ayant porté l’enseignement du Bouddha en Chine.

Le thé a très probablement été apporté par les missionnaires bouddhistes d’Asie Centrale. La consommation de thé se développe tout d’abord dans la province du Sichuan puis dans les provinces du Sud du fleuve Yangzi et les régions du Fujian. La consommation de thé pur se démocratise vers le VIème siècle, popularisée par le bouddhisme et la pratique de la méditation particulièrement.

Les arts martiaux de Shaolin

Une autre légende raconte que Bodhidharma aurait fait naître les arts martiaux de Shaolin en Chine. Bodhidharma en rencontrant les moines du monastère de Shaolin dans un état physique déplorable, décide alors de leur enseigner des exercices afin de nourrir leur vie spirituelle et mieux se défendre contre les brigands et bêtes sauvages. Cet enseignement serait à l’origine d’une technique de combat du monastère de shaolin : la boxe à mains nues de Shaolin

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Pratique du Shaolin Kung Fu

Les divers représentations du bouddha en Chine

Le panthéon des divinités bouddhistes est influencé à la fois par la culture indienne et la culture chinoise. Les représentants de ce panthéon sont caractérisés par leurs différences de nature liées au degré de réalisation spirituelle.

Maitreya et Budai

Maitreya est une figure familière du bouddhisme chinois. Ce bouddha est l’incarnation de l’amour universel qui règne sur terre lorsque les problèmes de l’humanité ont été réglé. Ce personnage est aussi connu sous le nom de «Bouddha rieur». Ce bouddha est représenté sous l’apparence d’un personnage obèse au large sourire, rayonnant la paix intérieure et la joie de vivre.

Budai, souvent confondu avec Maitreya appartient également au panthéon des divinités bouddhistes. Il s’agit d’un moine bouddhiste de l’école Chan, ayant vécu au début du X ième siècle. Il est connu pour son excentricité et son côté bon vivant. Il est reconnu à sa mort comme une réincarnation de Maitreya.

Guanyin 

Guanyin est le Boddhisattva de la compassion. L’origine de ce nom chinois provient du Yi Jing. L’étymologie chinoise de Guanyin fait référence à la capacité du Boddhisattva à percevoir la souffrance d’autrui.  

Amitabha 

Sculpture du Bodhisattva Amitabha

Le Bouddha Amitabha est un personnage très populaire chez les chinois. Ce bouddha est associé à une branche du mahayana («Grand véhicule»), appelée «bouddhisme de la Terre pure» et également au bouddhisme vajrayana (école trantrique du bouddhisme). Cette branche du bouddhisme postule que l’accès à l’éveil en ce monde est d’une grande difficulté. Il est plus facile d’obtenir une réincarnation dans un monde parallèle, portant le nom «Terre Pure», où l’on peut oeuvrer avec sérénité pour son salut. 

Manjushri

Manjushri est un Bodhisattva connu pour sa sagesse. Ancien brahmane, il devient compagnon du Bouddha. Il est décrit dans certains textes sacrés comme un enseignant du dharma, voire comme un Bouddha véritable. Il incarne la grande intelligence et l’éveil, qualités essentielles menant à l’illumination.

Puxian et le mont emei 

Puxian est un Bodhisattva caractérisé par sa sagesse et son rôle protecteur. Puxian aurait fait la promesse de venir au secours des personnes en difficultés quelque soit la distance à parcourir. 

Puxian est souvent représenté sous les traits d’une femme, assise sur le dos d’un éléphant blanc à 6 défenses. Le lieu de pèlerinage associé à Puxian est le mont emei, situé dans le Sichuan.

Dizang

Le Bodhisattva Dizang possède un ancrage profondément chinois. Il représente la solidité à toute épreuve ainsi que la générosité infinie.

Les écoles du Bouddhisme en Chine

Le Chan

Calligraphie du caractère chinois Chan 禅 signifiant «méditation silencieuse»

Le Chan (plus connu sous le nom japonais de zen) est la branche la plus représentative du bouddhisme chinois. Elle est créée au VI ième siècle par Bodhidharma. Selon la légende, Bodhidharma était le fils d’un roi indien s’étant engagé dans la voie bouddhiste. Lors d’un voyage en Chine pour faire connaître la parole du Bouddha, Bodhidharma est reçu à Nankin par le Roi Wu, bouddhiste pratiquant. Toutefois cette rencontre n’aboutit à rien de concret. Bodhidharma repart sur la route et arrive dans un monastère du nom de Shaolin. C’est dans ce monastère qu’il décide de s’installer afin d’incarner ses idées. Il s’assied alors devant mur dépouillé de tout ornement et entame sa pratique de la méditation. Après 9 ans de pratique, il atteint l’éveil et commence alors à enseigner.

Le bouddhisme Tantrique

Le bouddhisme tantrique ou vajrayana apparaît en Chine suite à l’invasion mongole, menée par Kubilay Khan, petit fils de Gengis Khan. Les mongols conquièrent la Chine en commençant par le Tibet afin d’instaurer la dynastie des Yuan. Le bouddhisme tantrique, religion pratiquée au Tibet, est alors reprise par les mongols, liant ainsi le destin de la Chine et Tibet.  

Ecole Tiantai

Cette école a pour origine les reliefs montagneux de la province du Zhejiang portant le nom de Tiantai. C’est dans cette région que le patriarche Zhiyi, compile les grands principes de cette école. L’enseignement est une tentative de synthèse entre le grand et le petit véhicule. La pratique principale de cette école consiste en des exercices de l’attention (samatha) et de la vue pénétrante (vipassana).  

Ecole Huayan

Cette école est issue du bouddhisme Mahayana («Grand véhicule»). elle se base sur l’enseignement spéculatif d’un sutra : le Huayanjing. 

Ecole de la Terre Pure

Cette école originaire d’Inde, porte une grande dévotion au bouddha amitabha. Elle appuie son enseignement sur le sutra de la Terre pure de la félicité. Elle prône la pratique d’actes vertueux et la dévotion au Bouddha Amitabha, afin de renaître dans la terre pure, où la longévité et le bonheur sont incommensurables.

Ecole Faxian

Il s’agit de l’école la plus conservatrice du bouddhisme indien. Elle est fondée par le moine bouddhiste, Xuanzang ( 596-664), faisant parti des grands traducteur des sutras bouddhistes en Chine. Selon les conceptions de cette école, le monde est une construction de l’esprit. Les idées que nous avons sur notre égo ou bien le monde extérieur sont des constructions de l’esprit. Xuanzang réalise sous la dynastie des Tang un grand voyage en Inde qui donne lieu à la rédaction d’un ouvrage d’une richesse documentaire exceptionnelle sur le monde chinois et indien. Ce livre servira d’inspiration pour la rédaction du classique de la littérature «Les Pérégrinations vers l’Ouest» de Wu Chen En.

Le Lamaïsme ou Bouddhisme Tibétain

Le Lamaisme s’enracine dans la troisième branche du bouddhisme : le vajrayana ou véhicule de diamant (bouddhisme tantrique). Il s’établit au Tibet ainsi qu’en Mongolie intérieur. Cette école prône qu’il est possible d’atteindre l’Eveil au cours d’une existence. Elle emprunte des rituels magiques ainsi que des dieux au panthéon hindouiste.

Le bouddhisme en Chine aujourd’hui

Après une longue période de persécution lancé par Mao Zedong sous la révolution culturelle, le bouddhisme en chine connaît un nouvel essor depuis les années 1980. Toujours encadré par le parti communiste, le patrimoine culturel bouddhisme fait toutefois l’objet d’une valorisation particulière, aidée par les autorités locales.

A partir des années 1990, les gouvernements chinois locaux collaborent avec le bouddhisme afin de développer le tourisme et attirer les investissements étrangers.

Le rayonnement à l’étranger de «Shaolin Kungfu», marque déposé du temple de Shaolin, est une illustration de ce nouvel essor du bouddhisme en Chine.

Conclusion 

Rétrospectivement l’implantation du bouddhisme en Chine était d’une grande improbabilité au vu des écarts culturels immenses. Les principes de la foi et de la pratique bouddhiste étaient très éloignés de la mentalité chinoise. L’apparition du bouddhisme en Chine s’est faite dans une période de trouble, où la chute de la dynastie des Han allait laisser la place à une période de conflits internes importants. Le bouddhisme représentait alors la perspective d’un havre de paix face à la violence du monde. Son influence sur le développement culturel de la Chine a été majeur. Il constitue aujourd’hui un pilier fondamental de la culture traditionnelle chinoise. 

Sources: 

Cyrille J.-D Javary, Les trois sagesses chinoises, Albin Michel, Coll. «Spiritualités Vivantes», 2012. 

Claude B. Levenson, Le bouddhisme, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2004, 128

Françoise Wang, Les Grandes école du Bouddhisme Chinois, 2005

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